L'oeuvre enregistrée par France Gall de 1963 à 1968, intégralement contenue sur ce coffret hélas épuisé mais dont on peut espérer une réédition sous quelque forme que ce soit, est incontournable. Le mouvement dit "yéyé" fut important en France, quoi que puissent en dire les grincheux d'arrière-garde ou tout inconditionnel de la grrrande chanson frrrançaise, et ses représentants les plus illustres méritent tous notre attention. On pourrait mentionner une cinquantaine de chanteuses (pour n'en rester qu'aux chanteuses) de ce mouvement trop méprisé (par des ignorants ou des intellos arrogants) qui opérait alors une délicieuse fusion entre la chanson française, le rock américain et la pop anglaise (avec ses pépites et ses déchets, comme dans tout domaine musical) dans la seconde moitié des années 60, mais quatre d'entre elles furent spécialement populaires: Sylvie Vartan, Françoise Hardy, Sheila et France Gall. France Gall fut sans doute la plus confidentielle de ces quatre-là dans une certaine mesure, avant de s'épanouir plus considérablement avec son idylle et pygmalion Michel Berger dans les années 70 et 80. Le fait est qu'elle commença très jeune (16 ans lorsque parut son premier 45t fin 63) et n'avait aucun contrôle sur sa carrière, protégée par son père, Robert Gall (qui a écrit une trentaine de ses chansons) et toujours bien entourée (Alain Goraguer, André Popp, etc). Il reste que tous ses 45t, à l'exception de quelques-uns (comme Sacré Charlemagne, ironiquement son plus gros succès d'alors), sont charmants, enchanteurs, parfois même sublimes, à commencer par ceux que lui écrit le génial Serge Gainsbourg: N'écoute pas les idoles, Laisse tomber les filles, Poupée de cire poupée de son, Attends ou va t'en, Nous ne sommes pas des anges, Baby pop, Les sucettes, Néfertiti. Gainsbourg à part, on lui fait aussi enregistrer plein de jolies choses comme Ne sois pas si bête, Les rubans et la fleur, Cet air-là, Quand on est ensemble, Il neige, Bébé requin, Chanson pour que tu m'aimes un peu... sauvées de leur éventuelle niaiserie textuelle par leurs mélodies ingénues ou leur goût musical raffiné, tout comme France, dont le chant pouvait être encore hésitant à l'époque (elle apprendra à chanter extraordinairement juste par la suite), peut s'enorgueillir d'un répertoire régulièrement élégant et varié. Il y a ceux qui préfèrent les années Berger (France incluse), et ceux (dont votre serviteur) qui préfèrent ces années-là, magie sixties oblige.